Siroua Wool Project

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Notre projet

Le SIROUA WOOL PROJECT est mené depuis 2017 par les deux associations à but non lucratif Maroc Inédit & memòri lab afin de sauvegarder et valoriser la race de mouton endémique et rustique Siroua, meilleure race lainière du Maroc, aujourd'hui menacée d'extinction. On la trouve entre la chaîne du Toubkal et le désert, dans les vallées du Siroua, et sur les plateaux de l'Anti-Atlas, où se situe le village des artisanes tisserandes avec lesquelles est impliquée memòri lab.

En travaillant ensemble sur le terrain, dans une région où le tissage reste la principale activité féminine génératrice de revenus, nous avons pu constater que cette production utilise presque exclusivement de la laine industrielle non qualitative, achetée dans les souks locaux, approvisionnés par des grossistes de Marrakech. Les dernières filatures industrielles sont à Rabat, Salé, Chefchaouen, Marrakech. Pour répondre aux exigences de qualité de designers de tapis (principalement dans la région de Marrakech), le Maroc importe des toisons en provenance d’Espagne, de Grande-Bretagne, d'Australie ou de Nouvelle Zélande.

S’est posée pour nous la question de la traçabilité et de la qualité de la matière première. Remarquable de par la qualité de sa laine mais aussi de sa viande, le mouton du Siroua est un produit du terroir pouvant intéresser tant les designers que les restaurateurs.

La race ovine de montagne Siroua fait partie intégrante du patrimoine socio-économique du massif. Le mouton y vit en symbiose avec l'écosystème.

Le projet a pour objectifs : l'accompagnement d'une filière d'élevage durable, avec une race de mouton adaptée aux conditions de parcours dans une région semi-aride, garant de la préservation de la biodiversité, et du mode de gestion participatif des ressources collectives (eau et pâturages), l'agdal.

Les objectifs à long terme:

  • 1 - Sauvegarder et améliorer la race Siroua : création d’un troupeau de sélection


  • 2 - Améliorer les pratiques de récolte des toisons : tonte, tri, stockage, étapes essentielles pour garantir un fil de qualité et des débouchés

  • 3 - Revaloriser et faciliter le filage manuel par l’introduction de technologies low tech


  • 4 - Valoriser le travail des bergers

  • 5 - Renforcer une gestion durable participative des pâturages assurant leur régénération

  • 6 - Accompagner la structuration de la filière

  • 7 - Promouvoir la laine Siroua, pour développer ses débouchés

Nos deux associations accompagnent la coopérative agricole Imelsine N'Siroua, engagée dans la sauvegarde et l'amélioration de la race Siroua, première coopérative de tondeurs au Maroc. Nous mettons à disposition une expertise lainière, des formations techniques (sélection ovine et bonnes pratiques de récolte des toisons), nous recherchons les débouchés/marchés, et nous sommes en interface entre la coopérative et les filatures (le but étant l'autonomie de la coopérative à terme), des outils de communication/marketing.

Depuis 3 années consécutives, début mai, au démarrage de la campagne de tonte, une équipe de professionnels, membres de l'Association française des Tondeurs de Moutons (ATM) anime des chantiers écoles pour former aux bonnes pratiques de récolte des toisons (nous avons fait le constat de l'absence, aujourd'hui, d'expertise lainière au Maroc). Tous les intervenants sont bénévoles.

Pour la campagne de récolte de 2023, 3,5 tonnes ont été pré-achetées par des producteurs/designers, 4,5 tonnes en 2024. L'argent est versé directement aux éleveurs. 7 dhs/kg seront destinés au fonctionnement de la coopérative, et au co-financement de la formation.

En parallèle un travail de sélection et de conservation de la race est mené avec Philippe Gayet, éleveur installé dans l’Allier, expert lainier, tondeur, fils de sélectionneur, sélectionneur lui-même depuis 1987. C’est un des rares spécialistes en France de la sélection des races lainières.

Tout notre travail ainsi que toutes les formations animées bénévolement par les membres de l’ATM ont été co-financés de manière indépendante par nos deux associations Maroc Inédit et memòri lab, avec le soutien en 2024/2025 de l'association La Fibre Textile.

Préserver les savoir locaux, la biodiversité et l’écosystème du Siroua

Le mouton Siroua

Une laine de qualité, idéale pour le tapis et le drap de laine

Des toisons uniformément blanches ou noires (du brun au noir), ouvertes, aux fibres longues (jusqu’à 28 cm), lustrées, moyennement fines (environ 25 à 35 microns), sans jarre. C’est une laine idéale pour le tapis ou le drap de laine. Cette laine a fait la réputation des tapis des tribus Aït Ouaouzguit, confédération de tribus du Siroua et de son piémont, à l’ouest de Ouarzazate, entre Taliouine et Tazenakht.

Une race menacée

Suite à un plan moutonnier au début des années 1980, 5 races marocaines ont été inscrites au catalogue des races (Sardi, Tamadhite, D'Mdan, Boujaad et Beni M'Guild), sélectionnées pour leur productivité en viande. Ont été exclues les races de haute montagne plus rustiques et aux moindres performances de production et reproduction mais adaptées au milieu et à la pratique de la transhumance. La race Siroua du fait de l’enclavement tardif du massif, et d’un système agropastoral dynamique a été mieux préservée que les autres races de massif. Le mouton Siroua n’a été intégré dans la liste des races locales du Maroc qu’en 2014. Il s’agit pourtant de la principale race lainière du Maroc.

Le mouton du Siroua vit en symbiose avec l’écosystème du massif

De petite taille, sa toison lui assure une bonne protection face aux variations des températures saisonnières et journalières, très chaudes en été et froides en hiver, avec une forte amplitude jour/nuit. Sa morphologie lui permet d’exploiter au mieux la ressource fourragère :

  • mâchoire étroite pour brouter l’herbe au ras des pierres, sous les épineux, sans arracher les plantes, contrairement aux autres races non adaptées au conditions locales
  • sabots et démarche permettant d’exploiter les versants abruptes jusqu’à 3000 m.

Elle s’adapte à la grande variabilité de la ressource alimentaire. C’est une « race accordéon », capable de mobiliser ses réserves lorsque les pâturages se font rares et de les reconstituer dès le retour de l’herbe. Elle est résistante aux maladies et aux parasites.

La qualité de la matière première a un rôle prépondérant dans la qualité du produit fini

La tonte, le tri de la laine et le stockage

La tonte

La récolte de la laine, autrement dit la tonte, est une étape incontournable, négligée, de la filière laine.

  • Le chantier doit être propre pour éviter de contaminer la laine avec de la poussière et des débris végétaux et aussi le plus confortable possible pour une tonte de qualité.
  • Les outils : la tonte se fait aux forces.

Les enclos où les moutons sont regroupés ne disposent pas d’électricité.

La tonte aux forces a plusieurs avantages :

  • elle permet de laisser suffisamment de laine sur le dos du mouton lui assurant ainsi une protection contre le froid et les coups de soleil,
  • une meilleure qualité de la laine
  • il n’y a pas d’interruption de la pousse, contrairement à la tonte mécanique qui stressant le bulbe entraîne une interruption de la pousse durant 10 jours.
  • un peu moins rapide, certes, elle est silencieuse. D’ailleurs les tondeurs ont l’habitude de rythmer le chantier de leurs chants.

Lors des différentes missions sur les chantiers de tonte, nous avons fourni des forces de qualité et formé les bergers à l’entretien de celles-ci.

Le tri

Le tri dépend de la race et de l’usage qui va être fait de la laine.

Après avoir enlevé la laine des pattes et de l’arrière train (déchets utilisables en agriculture), la toison doit être prélevée en un seul morceau pour faciliter le tri.

Dans le cas de la race Siroua il est assez simple, les toisons étant globalement homogènes et ayant un usage principal bien identifié : la production de tapis (la laine Siroua est aussi adaptée pour le drap de laine).

Pour faciliter le travail nous avons fabriqué des tables de tri. Le tri se fait idéalement sur le chantier de tonte, ou après la tonte au village.

Il s’agit d’enlever un maximum de végétaux, les traces de marquage à la peinture, les fausses coupes (fibres trop courtes inutilisables), les parties feutrées. Les troupeaux étant pour la plupart mixtes, il est nécessaire de bien séparer les couleurs, repérer les éventuelles toisons jarreuses (race Tamahdite ou croisée). Les toisons des agneaux plus fines peuvent également être valorisées à part.

Le stockage

Les sacs habituellement utilisés ne sont pas adaptés. Les fibres plastiques se délitent rapidement, notamment au contact de l’urine des moutons et vont contaminer la laine. C’est la raison pour laquelle on trouve très fréquemment des fils de plastique dans les laines marocaines.

Nous avons fourni des curons résistants et reutilisables (sacs pour stocker la laine).

De la toison au fil

La transformation de la toison en fil peut se faire manuellement dans le Siroua et son Piémont ou dans les filatures industrielles (à Rabat, Salé, et Chefchaouen).

La transformation manuelle des toisons dans le Siroua avait été pratiquement abandonnée. Une petite production confidentielle subsistait dans la tribu Feija plus au sud (Anti-Atlas). Elle double le temps de fabrication des tapis. Face à une laine industrielle bon marché, les tisseuses ne parvenaient plus à valoriser ce travail. D’autant plus que certaines étapes, notamment le cardage avec deux planchettes en bois hérissées de clous, est physiquement exigeant.

Le regain récent du filage manuel a été impulsé par des designers et producteurs essentiellement étrangers.

Le Siroua Wool Project a pour objectifs d’améliorer le process :

  • expérimentation du lavage par fermentation économe en eau, demandant moins de travail, et préservant la fibre ;
  • expérimentation du lavage avec la lessive de cendre en récupérant les cendres des fours à pain ; la cendre a pour propriété de blanchir la fibre;
  • installation d’un tunnel agricole pour le séchage rapide des toisons lavées ;
  • introduction de cardes à rouleaux fabriquées au Maroc d’après un prototype élaboré par un membre de l’association La Fibre textile, l’un de nos partenaires ;

Le filage continue de se faire au fuseau. C’est l’étape la plus agréable. Le fuseau est intégré dans le mode de vie des fileuses. Cette année a été testé le rouet. Quelques femmes se le sont approprié pour retordre le fil.

La teinture

Actuellement les teintures chimiques de synthèse sont massivement utilisées dans la production de tapis. Les teintures végétales ont peu à peu disparu depuis le début du XXeme siècle.

Un accroissement de la production de tapis, surtout depuis les années 80, la diversification des couleurs depuis l’arrivée des teintures de synthèse, le manque de ressources en plantes tinctoriales du fait des sécheresses récurrentes, la complexité des process de teinture végétale, le temps important de mise en oeuvre, et la difficulté pour les valoriser économiquement sont autant d’obstacles pour leur réintroduction à grande échelle.

Nous recherchons des alternatives écologiques utilisables à une échelle artisanale comme semi-industrielle.