
Le massif du Siroua
Le massif du Siroua constitue le trait d’union entre l’Anti–Atlas et le Haut-Atlas. Un massif volcanique qui culmine à 3304 m. Le territoire pastoral se repartit entre plateaux, et pâturages d’estive (de 1800 à 3000 m). Le climat est semi-aride tendant à l’aride du fait des changements climatiques mais également des pratiques anthropiques locales : défrichement, surpâturage, et surexploitation des plantes aromatiques et médicinales liés à la pression démographique depuis les années 1950. L’écosystème dégradé est aujourd’hui menacé de désertification.
Une économie agro-pastorale, des communs gérés collectivement
Les principaux villages se situent le long des oueds, cours d’eau ou à proximité des sources. Au delà de 1800 m, les aazibs, villages de bergeries construits en pierre, et pâturages communautaires, accueillent les éleveurs, également agriculteurs dès le début juillet, après la floraison des prairies et la montée en graine des végétaux. Ils y resteront jusqu'en novembre et l’arrivée de la neige.
L’eau y est plus abondante. Des prairies humides constituent des pâturages de choix. Des sources captées permettent l’irrigation, grâce à un réseau de seguias, canaux, de cultures en terrasses. Elles fournissent des légumes, des céréales - orge, blé et maïs – la luzerne pour les animaux, des pommes et le précieux safran. L’ensemble de la population des villages montait à l’aazib dès la fin de l’année scolaire. C’est moins le cas aujourd’hui.

Les aazibs sont des communs gérés collectivement. Pour permettre la régénération des pâturages, ces espaces pastoraux sont soumis à une réglementation qui en définit les périodes d’ouverture et de fermeture. Ces savoirs locaux accumulés par des générations d'agro-pasteurs amazigh sont garants de la résilience des écosystèmes. Mais ils doivent être revalorisés, renforcés et actualisés pour faire face aux changements climatiques et à l’aggravation des sécheresses.
Préserver l’écosystème: actions pour la restauration et la gestion durable des pâturages.
Un enjeu majeur est la restauration des pâturages et une gestion plus durable.
Il existe un mode de gestion emblématique de la montagne berbère, l’Agdal, mise en défens des milieux forestiers et pastoraux. Bien qu’affaiblie cette organisation des communs perdure dans le Siroua.
Pour atténuer les conséquences du surpâturage, amplifiées par les changements climatiques et générant perte de biodiversité et dégradation des sols, des actions de gestion et de restauration existent.

Quelques pistes d’expérimentation:
- le pâturage tournant: il vise à éviter la dégradation de la végétation par surpâturage du bétail. Il consiste donc à diviser les pâturages en plusieurs parcelles et à les faire pâturer alternativement par les animaux, afin d'éviter d'épuiser la plante par surpâturage..
- le semis de plantes fourragères
Les greniers collectifs, Igoudars, un patrimoine remarquable du Siroua
Une institution répandue dans la civilisation berbère de la Libye aux Îles Canaries. Ce sont des constructions fortifiées, qui assumaient plusieurs fonctions, matérielles et sacrées: défensive lors des conflits tribaux, de stockage des récoltes et de protection des biens précieux.
Inscrits dans un réseau complexe de solidarité à travers les zawyas, mosquées et tombeaux de saints – soufisme populaire - leur usage persiste, pour quelques uns d'entre eux, pour stocker les récoltes, parfois comme lieu associatif, mais surtout comme espace de circulation des mémoires témoignant d'une identité collective bien vivante.
Les artisanes tisserandes du Siroua détentrices de savoir-faire d’exception
La population du Siroua appartient à la confédération des tribus Aït Ouaouzguite.
Les Aït Ouaouzguite sont une composante des peuples berbères sédentaires, les Masmuda qui occupaient à l’époque romaine l’actuel Maroc jusqu’à l’arrivée des tribus berbères nomades Zenete et Sanhaja au 3ème et 6éme siècle, puis des tribus arabes nomades Banu Hilal et Banu Maqil à partir du 12ème siècle.
Les Aït Ouaouzguite ont une longue tradition de tissage: tapis, sacs pour transporter le grain, tapis de selle, vêtements, qu’ils troquaient dans les souks annuels, notamment contre les dattes des oasis pré-sahariennes. Le souk le plus important était organisé par les descendants du Saint Sidi Mhando Yacoub à Imin Tatelt.
Initialement chacune des tribus avait ses propres motifs. S’il est encore possible d’identifier la provenance de certains tapis, la mobilité des femmes liée au mariage, les échanges avec les marchés urbains, principalement Marrakech, et plus récemment la connexion aux réseaux sociaux ont fortement inspiré et métissé les productions des artisanes.



L'activité de tissage est encore très développée dans le Siroua et constitue un apport significatif dans le budget de très nombreuses familles : production de tapis principalement mais également de drap de laine pour l'autoconsommation de la famille élargie (djellabas et burnous).
Or les artisanes tisserandes du massif n'utilisent que de manière marginale les toisons des moutons Siroua et préfèrent les fils de laine manufacturés de qualité médiocre et le coton pour la chaîne. Le temps nécessaire à la transformation manuelle de la toison en fil n’étant valorisable que pour des productions à haute valeur ajoutée.
Malgré le développement des coopératives, les artisanes peinent à commercialiser les tapis. La qualité (laine et teintures) est très inégale. Le marché reste largement encadré par des intermédiaires masculins.
Grâce à nos actions mises en place depuis 2019, la laine Siroua est depuis peu utilisée dans le cadre de petites commandes spécifiques de designers pour des productions à haute valeur ajoutée qui tirent les rémunérations vers le haut.


